En France, le taux des accouchements déclenchés a augmenté significativement ces dernières années, passant de 10% en 1981 à 22% en 2003 [1]. Ces chiffres sont étonnants si l’on considère les risques non négligeables liés au déclenchement de l’accouchement : Augmentation du taux de césariennes, hyperstimulation utérine, souffrance fœtale, hémorragie de la délivrance, voire pire...
Si un certain nombre de déclenchements sont justifiés par des raisons médicales sérieuses, beaucoup trop d’accouchements sont déclenchés par «convenance » (25%) [2], ou pour des raisons médicales non valables.
Or, l’issue du déclenchement est liée à l’état du col. Plus celui-ci est favorable, plus le déclenchement a de chances de réussir. En revanche, déclencher sur un col défavorable entraîne un risque de césarienne supérieur à 20% [3] alors que celui-ci est inférieur à 5 % chez une primipare lors d'un accouchement spontané [4].
Avant de prendre (ou d’accepter) une décision de déclenchement, il faut donc se poser les questions suivantes :
- Le déclenchement est-il médicalement justifié ?
- Le col est-il favorable (score de bishop supérieur ou égal à 6) ?
Score de Bishop | 0 | 1 | 2 | 3 |
---|---|---|---|---|
Dilatation du col | 0 cm | 1 à 2 cm | 3 à 4 cm | ≥5 cm |
Effacement du col | Long (0 à 30%) | Mi-Long (40 à 50%) | Court (60 à 7O%) | Effacé (≥ 80%) |
Consistance du col | Ferme | Moyenne | Molle | |
Position du col | Postérieure | Centrale | Antérieure | |
Positionnement de la tête fœtale | Haute et mobile | Amorcée | Fixée | Engagée |
- Quelle surveillance sera accordée à cet accouchement ?
- Quels sont les risques liés à ce déclenchement ?
Toutes ces questions devraient être évoquées avec un médecin avant de prendre une décision, et celui-ci est censé fournir aux futurs parents une information claire et loyale.
Déclenchement pour raisons médicales
Un déclenchement peut être nécessaire pour des raisons médicales : dépassement de terme (c’est à dire 42 SA), diabète mal équilibré ou avec retentissement fœtal, rupture prématurée des membranes à terme (mais le déclenchement n’est pas urgent), pré-éclampsie, arrêt de la croissance du fœtus (à ne pas confondre avec un retard de croissance) ...
Mais ne sont pas justifiés médicalement les déclenchements pour
- diabète gestationnel bien équilibré et sans retentissement fœtal,
- suspicion de macrosomie fœtale. Là, je me permettrai de citer l’excellent article de Blandine Poitel sur le site Infosaccouchement [5]:
Un fœtus en fin de gestation prend au plus deux cents grammes par semaine. Le plus gros à sortir c’est la tête – et parfois les épaules … or il ne va pas prendre tout ce poids dans le périmètre crânien ni dans les épaules !!!
- hypertension artérielle isolée, sans signes fonctionnels, hyper uricémie ou protéinurie isolées. Une surveillance est cependant nécessaire.
- rupture prématurée des membranes avant terme. (CNGOF mises à jour 2003) [6]
Personne n’a jamais montré une supériorité quelconque du déclenchement avant terme dans les ruptures prématurées des membranes par rapport à une surveillance bien conduite.
- Retard de croissance intra-utérin. (recommandations de la HAS) [7]
On ne dispose pas de suffisamment de données permettant de formuler une appréciation sur les avantages ou les risques du déclenchement artificiel du travail, en cas de retard de croissance intra-utérin à terme.
Le dépassement de terme :
La notion de « terme » varie d’un pays à l’autre. En France on considère qu’une grossesse est « à terme » à 41 SA (semaines d’aménorrhée, c’est à dire écoulées depuis le début des dernières règles). En Belgique et au Luxembourg, c’est 40 SA. En fonction du pays, et de la maternité où l’on accouche, on peut se voir proposer (imposer) un déclenchement à partir de 41 SA + 3 jours, voire même avant, alors que la notion de « terme dépassé » correspond à une grossesse qui se prolonge au-delà de 42SA. (recommandations de la HAS) [8]
Le terme théorique correspond à 41 SA, et on parle de terme dépassé à partir de 42 SA [...]
Si la femme enceinte n’a pas accouché à 41 SA + 0 jour, il est recommandé d’instaurer une surveillance foetale toutes les 48 heures.
En l’absence d’accouchement, à 41 SA + 6 jours, il est recommandé de réaliser un déclenchement, éventuellement précédé d’une maturation cervicale par prostaglandines.
Un déclenchement avant 41SA + 6 jours n’est dons pas justifié en l’absence de pathologie. Un protocole médical n’ayant aucune valeur juridique, si vous ne souhaitez pas être déclenchée, personne ne peut vous y obliger, mais il vaut mieux être bien informée pour résister à la pression.
Qu’est-ce qu’on col favorable ?
L’état du col se mesure en fonction des critères suivants : Dilatation, effacement (col long, mi-long, court), consistance (dur, mou), position (postérieur, centré, antérieur), auxquels on rajoute la hauteur de la tête du bébé (haute, engagée). Tous ces éléments permettent de calculer le score de bishop, score qui permettra de définir l’état du col comme
« favorable » (score supérieur ou égal à 6), « défavorable » (< 6) , ou « très défavorable » (entre 0 et 3).
Voici un site qui permet de calculer le score de bishop :
http://www.telesante-paysdelaloire.fr/p ... 4146.html/
Ce score est important car il va déterminer le mode de déclenchement.
Si le col est favorable, on se contentera la plupart du temps de déclencher avec une perfusion d’ocytocine.
Si en revanche le col est défavorable, il faudra faire au préalable une « maturation du col » avec des prostaglandines (sous forme de gel, d’ovule ou de tampon appliqués dans le vagin). Cette « maturation du col » sera suivie la plupart du temps par un déclenchement à l’ocytocine. On associe donc deux produits utérotoniques, et on multiplie par conséquent les risques de complications.
Produits utilisés
La HAS préconise l’ocytocine et les prostaglandines E2 sous forme intravaginale, moins agressive que la forme intracervicale, et rappelle que [9]
Le misoprostol (prostaglandine E1) n’a pas d’Autorisation de mise sur le marché (AMM) pour le déclenchement artificiel du travail.
Information et consentement éclairé
La HAS a édité une fiche d’information destinée aux patientes. Normalement, avant de réaliser un déclenchement (quelle qu’en soit l’indication), la maternité devrait remettre à la future maman une fiche précisant les différentes indications d’accouchement, les méthodes de déclenchements (prostaglandines et ocytocine), et les risques. Cette fiche venant compléter les informations reçues oralement.
Dans la pratique, cette information n’est quasiment pas donnée. Les futurs parents acceptent bien souvent un déclenchement sans savoir exactement quels sont les risques éventuels liés à la poursuite de la grossesse, les produits utilisés, les dangers liés à ces produits, le taux d’échec en fonction de l’état du col, les alternatives possibles...
Les gynécologues qui ne jugent pas bon d'informer leurs patientes ignorent peut-être ces articles du code de déontologie médicale [10]:
"Le médecin doit à la personne qu'il examine, qu'il soigne ou qu'il conseille, une information loyale, claire et appropriée sur son état, les investigations et les soins qu'il lui propose. Tout au long de la maladie, il tient compte de la personnalité du patient dans ses explications et veille à leur compréhension" (art. 35) ; "Le consentement de la personne examinée ou soignée doit être à rechercher dans tous les cas" (art. 36)
Risques
Les risques liés au déclenchement, quelle que soit la méthode utilisée, ne sont pas négligeables.
- augmentation de la douleur
- contraction excessives de l’utérus, pouvant aller jusqu’à la rupture utérine.
- souffrance fœtale nécessitant une césarienne en urgence
- césarienne pour « échec de déclenchement »
- augmentation des extractions instrumentales (accompagnées le plus souvent d’une épisiotomie)
- augmentation du risque d’hémorragie
- risque d’embolie amniotique (très rare mais extrêmement grave) multiplié par deux. [11]
La décision de déclencher un accouchement ne devrait donc se faire que pour un motif sérieux, après avoir évalué le rapport bénéfices-risques (bénéfices pour la santé du bébé et de sa mère, et non pas pour l’organisation de la maternité), comme le souligne le CNGOF (mises à jour, 2003) [12]
Ce qui compte par-dessus tout, c’est l’indication du déclenchement. Il faut en peser les avantages et les inconvénients, pour la mère et son enfant, après une lecture critique des données épidémiologiques.
Sources:
1] http://www.cngof.asso.fr/D_PAGES/PUMAFRST.HTM
2] http://www.em-consulte.com/article/114822
3] http://www.cngof.asso.fr/D_PAGES/PUMAFRST.HTM
4] http://pro.gyneweb.fr/sources/obstetriq ... /index.htm
5] http://www.infosaccouchement.org/articl ... =fr&pg=146
6] http://www.cngof.asso.fr/D_PAGES/PUMAFRST.HTM
7] 8] 9] http://www.has-sante.fr/portail/upload/ ... ations.pdf
10] http://www.ladocumentationfrancaise.fr/ ... ient.shtml
11] http://avancer.canalblog.com/archives/2 ... 77905.html
12] http://www.cngof.asso.fr/D_PAGES/PUMAFRST.HTM